Quel avenir pour la technologie de mémoire de traduction ?

Camille Avila 19 févr. 2019 10 minutes de lecture

Dans la première partie de ce blog, nous avons évoqué l'histoire des mémoires de traduction (MT) et l'approche de Trados ces dernières années en matière de développement. Dans la seconde partie, nous aimerions nous tourner vers l'avenir et réfléchir aux conséquences des futurs développements de la technologie de mémoire de traduction.

Pour cela, nous avons rencontré deux spécialistes du domaine au sein de Trados : Daniel Brockmann, directeur de la gestion des produits, un vétéran expérimenté dans le secteur de la traduction, et Kevin Flanagan, ingénieur principal de recherche, maîtrisant à la fois le développement de logiciel et la traduction.

Nous avons demandé à Daniel et Kevin leur point de vue sur le rôle que joueront les mémoires de traduction et, pour commencer, nous avons choisi ce qui constitue probablement le sujet le plus brûlant du moment : l'intelligence artificielle (IA).


À votre avis, quel rôle l'IA jouera-t-elle à l'avenir dans les mémoires de traduction ?

DB : l'IA et l'apprentissage automatique sont les deux sujets dont tout le monde parle. De Siri et Alexa aux voitures autonomes en passant par le suivi de la santé personnelle, l'IA progresse rapidement. Trados possède déjà une certaine expérience de l'apprentissage automatique ; nous avons lancé en 2016 notre technologie de traduction automatique adaptative innovante reposant sur l'autoapprentissage, mais la question est de savoir ce que cela signifie pour les mémoires de traduction. Potentiellement, nous pensons que l'IA pourrait accroître la productivité en traduction, c'est-à-dire occuper une place centrale dans les outils de TAO.

Un aspect concret pourrait être de meilleures suggestions de traduction. Nous pourrions imaginer combiner les mémoires de traduction aux résultats de la terminologie et de la traduction automatique (MT) pour toujours recevoir la meilleure correspondance à vérifier, plutôt que traduire à partir de rien. Par exemple, nous pourrions entraîner un moteur de traduction automatique avec une mémoire de traduction et une base terminologique volumineuses d'un certain domaine, afin d'améliorer encore plus la qualité de la MT pour n'importe quelle utilisation spécifique. Nous pourrions aussi imaginer étendre un résultat de MT avec des contenus de mémoire de traduction et de terminologie, en combinant le meilleur de chacun.

En tout cas, l'objectif serait d'aider, plutôt que de remplacer, le traducteur humain, afin qu'il puisse contrôler plus efficacement le processus de traduction et optimiser encore davantage les résultats initiaux.

KF : au-delà de l'utilisation principale relative à la productivité du traducteur, l'IA pourrait aussi, par exemple, améliorer l'efficacité du projet en effectuant une analyse de vos mémoires de traduction, afin de déterminer la plus pertinente pour votre nouveau projet. Pour un chef de projet gérant de multiples projets et ressources en même temps, cela pourrait être un précieux outil qui l'aiderait, là encore, à acheminer le contenu plus efficacement dans la chaîne logistique.


Comment les mémoires de traduction fonctionneront-elles dans le cloud à l'avenir et quels seront les avantages ?

DB : travailler dans le cloud avec des mémoires de traduction offrira de nouvelles possibilités à l'ensemble des participants de la chaîne logistique. Le partage de mémoires de traduction sera enfin démocratisé et disponible pour tous, des groupes d'indépendants travaillant ensemble par le biais de fournisseurs de services linguistiques partageant des contenus plus facilement, aux grandes entreprises gérant de gros projets de traduction. Ceux qui parviendront à intégrer cette méthode de travail dans un environnement de bureau riche et puissant en sortiront vainqueurs. À titre d'exemple, les développements récents comme LookAhead dans Trados Studio offriront une expérience de performances pour les mémoires de traduction basées sur le cloud identique, sinon meilleure, que le travail avec des mémoires de traduction situées sur le disque dur de l'utilisateur.


Comment fonctionneront les mémoires de traduction au sein de l'environnement de traduction augmenté ?

DB : trois principales ressources sont désormais disponibles pour faciliter le travail des traducteurs et le rendre plus efficace. Premièrement, la mémoire de traduction traditionnelle, où rien ne peut battre une correspondance à 100 % ou une concordance de contexte. Deuxièmement, la gestion terminologique classique, qui garantit la qualité et la cohérence de la traduction au niveau des termes. Et troisièmement, la traduction automatique. Avec la MT, pour les paires de langues pour lesquelles elle est facilement accessible, la traduction automatique est désormais vraiment « assez bonne » pour être intégrée pleinement et en toute transparence au flux de traduction, surtout depuis qu'elle est de plus en plus acceptée par les donneurs d'ordre et les exécutants.

Imaginez à présent ces trois ressources travaillant de concert : un terme pourrait améliorer une suggestion de MT ou un fragment de MT pourrait augmenter une correspondance partielle, etc. Ces perspectives sont très intéressantes pour exploiter les années, sinon les décennies, de développement de mémoires de traduction de haute qualité et pour les associer à la terminologie de haute qualité et, c'est là que se situe le changement, à la traduction automatique de haute qualité. Cela ne signifie pas que toutes les traductions proposées par la machine seront parfaites. Au contraire, la MT peut être assez délicate dans la mesure où elle suggère une traduction fluide. Cependant, fluidité ne signifie pas nécessairement précision. C'est là que le traducteur et le relecteur interviennent et doivent être le plus attentifs possible pour s'assurer que la traduction sera de haute qualité, comme l'attend le client.

Cela dit, la MT est assurément un nouvel outil passionnant pour tout flux de traduction.


Mémoire de traduction contre traduction automatique : quel avenir ?

DB : il est probable qu'une nouvelle façon de travailler avec les correspondances partielles verra le jour. Qu'est-ce que cela signifie ? Une suggestion de MT n'ayant besoin d'aucune modification pourrait être meilleure qu'une correspondance partielle à 70 % ou 80 % qui a généralement besoin d'être modifiée, même s'il s'agit d'une correspondance partielle « réparée ». Ainsi, la cadence future pourrait être la suivante : MT = mieux adaptée pour les correspondances de 100 % à 90 %, MT = mieux adaptée pour les correspondances partielles de 90 % et moins. Cela aura bien entendu également un impact sur les modèles de tarification de longue date. Les donneurs d'ordre chercheront-ils à obtenir une remise sur le nouveau contenu, car celui-ci est désormais plutôt bien traduit par un moteur de MT ? Les exécutants l'accepteront-ils facilement ? Les deux parties collaboreront-elles pour parvenir à un consensus ?

Outre ces questions budgétaires, une autre se pose : les environnements d'édition actuels sont-ils optimisés pour travailler avec une MT associée à une traduction automatique ?

La bonne nouvelle est qu'à court terme, les environnements d'outil de TAO de type plateforme ouverte, comme Trados Studio, se prêtent parfaitement à l'intégration de « tout » moteur de MT et continuent à fonctionner de façon connue. Ils sont donc idéalement adaptés à l'ajout naturel de MT aux diverses ressources avec lesquelles les utilisateurs travaillent, et qu'ils connaissent bien, une composante ne devant jamais être sous-estimée. En outre, les moteurs de MT actuels agissent au niveau du segment, ce qui signifie qu'ils s'adaptent naturellement à la méthode de travail basée sur les segments.

En résumé, au moins à court terme, les outils de TAO comme Trados Studio sont très bien adaptés pour « intégrer » facilement la MT.

KF : avec l'amélioration future de la qualité, il faudra peut-être repenser les éditeurs sous forme de tableaux à plus long terme. Les changements pourraient intervenir sous la forme d'une expérience de modification différente, optimisée pour cette nouvelle façon de travailler et pour la relecture de contenu de MT, plutôt que de disposer de nombreuses fonctionnalités de traduction à partir de rien qui ne sera plus nécessaire de la même manière qu'avant. Dans la phase de transition, toutefois, nous savons déjà que nos clients ajoutent simplement la MT aux diverses ressources dans Trados Studio et optimisent la productivité et les coûts de cette façon.


Comment pouvons-nous améliorer la future expérience utilisateur de travail avec les mémoires de traduction ?

KF : hormis repenser l'expérience de modification, nous envisageons un avenir avec une approche des MT plus axée sur les documents, de sorte que, pour une correspondance de MT, vous puissiez accéder au document et à la traduction d'origine, pour voir le contexte du document dans son intégralité.


Quel est l'avenir d'upLIFT ?

KF : la mémoire de traduction upLIFT est une fonctionnalité qui va continuer à s'améliorer. La qualité des suggestions de sous-segments, ou « fragments » comme nous les appelons, s'améliorera avec un meilleur alignement de mots et traitement des cas de réparation de correspondances. Nous étudierons également les éléments suivants :

  • Outre l'amélioration des suggestions de traduction, la technologie de mémoire de traduction upLIFT peut fournir une base pour une meilleure extraction terminologique.
  • Le placement automatique de balises (même avec la réparation de correspondances) élaboré à partir d'éléments constitutifs upLIFT.
  • Une maintenance de MT plus intelligente, basée sur des résultats d'alignement de mots upLIFT qui identifient les erreurs de traduction, la corruption de données et les alignements erronés de documents/segments.

Comme vous pouvez le constater, les développements potentiels sont nombreux et passionnants pour la technologie de mémoire de traduction, de l'IA à la MT en passant par le cloud. 

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Camille Avila

Responsable marketing produits
Camille Avila est responsable marketing produits senior chez RWS. Elle possède huit ans d'expérience dans le secteur de la traduction. Actuellement, elle supervise la suite de produits Trados. Spécialisée dans les activités de localisation sur le segment des entreprises, Camille a pour mission principale de les aider à communiquer efficacement avec leurs clients en veillant à ce que leur contenu soit compris.
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